
Le Quotidien
A New Delhi, ville de contraste, l'eau rythme d'une façon bien différente les vies de chacun.
A Saket, un frangipanier aux fleurs odorantes abrite une maison blanchie par le soleil, à l’angle d’un compound. Un gardien à moitié endormi se tient de l’autre côté de la rue. La mousson se fait attendre mais on sent déjà dans l’air l’odeur terreuse des énormes gouttes de pluies qui viendront bientôt s’écraser sur le sol. Les avenues, les rues et les sentiers seront inondés. Pourtant l’eau est rare dans la grande ville. La maison d’Aparna est reliée au réseau 24h sur 24 : c’est un luxe. Sur le toit, tout de même, un réservoir en cas de coupure d’eau.
Quelques minutes dans une voiture climatisée noyée dans une circulation intense. Des groupes de chiens errants, au poil pelé, traversent avec une nonchalance appliquée les rues de la ville. La voix d’un chanteur d’hindi pop s’échappe des baffles. En quelques minutes à peine, un paysage bien différent se dessine.
L’ombre de Nasreen, habitante du village de Sedulajab, se dessine sur le sol ocre dans la chaleur caniculaire de l’après-midi. Les Klaxons résonnent. Sous chacun de ses pas, une poussière fine se soulève. Elle s’engouffre dans une ruelle sombre qui contraste avec l’agitation du grand boulevard qu’elle vient de quitter. Il a plu quelques heures auparavant et une eau boueuse stagne dans les rigoles. Nasreen avance avec assurance puis s’arrête devant un réservoir d’eau entouré de monticules de sable mouillé. Quelques mètres plus loin, de gros conteneurs de plastique noir constituent les réserves d’eau du village. Car dans la majorité des quartiers de Delhi, l’approvisionnement en eau ne se fait pas 24h sur 24. Une femme souriante en sari bariolé, accompagnée de ses enfants en uniforme scolaire, pousse une charrette en bois d’où dépassent deux gros bidons de plastique bleu. Sedulajab n’est pas relié au réseau d’eau et les habitants doivent la transporter jusque chez eux.
A quelques kilomètres l’une de l’autre, Nasreen et Aparna vivent deux vies bien différentes.
L’approvisionnement en eau n’est pas la seule préoccupation des habitants de la ville. Ce sont aujourd’hui 3,5 milliards de personnes qui boivent une eau dangereuse ou peu sûre selon les normes de l’OMS.
La majorité des victimes sont des enfants de moins de cinq ans. Entre 1.850.000 et 2.187.000 des décès dus à des maladies diarrhéiques sont liés à l’insalubrité de l’eau, à un assainissement et une hygiène insuffisants. Les eaux souillées peuvent provoquer de multiples maladies telles que la dysenterie, le choléra ou la typhoïde.
En Inde, la pollution de l’eau est à la fois bactériologique et chimique. Souillée majoritairement par les déjections humaines et animales, elle l’est aussi par les pesticides, les engrais chimiques ou les médicaments, comme nous le confiait Ravi Agarwal, artiste et directeur de l’association Toxicslink. Ces produits chimiques charriés par les eaux de ruissellement peuvent polluer les nappes phréatiques mais aussi les lacs et les rivières, quand ils ne sont pas déversés directement dans les rivières ou la mer. L’industrie est également responsable d’un réchauffement des eaux.
La nuit tombe rapidement à New Delhi. Dans le quartier de Malviya Nagar le docteur Arvind Bountra, médecin pédiatre, nous reçoit dans son cabinet qui donne directement sur la rue. Le ronronnement d’un ventilateur couvre difficilement le vacarme extérieur. En tant que pédiatre, il est au fait de des maladies liées à l’eau. Des maladies qui touchent majoritairement les enfants des classes sociales les plus pauvres.