
La Politique
En mai 2014, les Indiens votent en masse pour élire Narendra Modi au poste de Premier Ministre.
Héritier d'une tradition nationaliste et d'une vision très conservatrice de l'Inde, Modi est une personnalité controversée.
Narendra Modi remporte les élections où il obtient la majorité absolue pour la première fois dans l’histoire du pays.
Point fort de son programme ?
Une « Inde propre » (Swachh Bharat), déjà l’un des principaux objectifs de Gandhi, qui n’a malheureusement jamais été atteint.
Outre la discrimination des castes et des religions, Gandhi s’est battu pour deux choses : la liberté et la propreté. Le problème de la propreté est une question de vie ou de mort pour de nombreux Indiens à cause de la pollution de l’eau et des maladies qui y sont reliées.
Lorsqu’au mois de juillet Narendra Modi est venu célébrer son triomphe électoral sur les bords du Gange, il a promis de réussir là où nombre de ses prédécesseurs ont échoué : nettoyer le fleuve sacré des hindous devenu un immense égout.
Cependant, s’il garantit que l’Etat s’engagera à construire les infrastructures nécessaires pour le traitement des eaux usées, il demande en retour que toute la population s’engage elle aussi à agir là où elle le peut.
La mortalité infantile a considérablement baissé en Inde au cours des dernières années, en particulier dans la province du Gujarat dont Modi était « Chief Minister ». Malgré cela, le fait demeure que près du quart de tous les enfants qui meurent encore dans le monde avant l’âge de cinq ans sont indiens.
Il a demandé que tous les Indiens fassent de l’Inde propre leur priorité et un objet de fierté, en se débarrassant de leur fatalisme à cet égard.
Qu’est ce qu’il propose ?
Le plan appelé « Nettoyer l'Inde » lancé par Narendra Modi est sans précédent : il prévoit de dépenser 18 milliards d'euros en 5 ans, afin de construire 130 millions de toilettes dans les foyers et 50 000 autres dans les écoles. Il va d’abord falloir former 150.000 maçons pour construire les toilettes, sans compter 50.000 motivateurs qui devront éduquer les habitants dans les villages, pour s’assurer qu’elles soient utilisées.
Des milliers de fonctionnaires, de volontaires anonymes et de célébrités s’emploient un peu partout en Inde à rendre leur pays plus propre. Les projets fleurissent dans les écoles et universités où de jeunes porte-paroles expliquent les comportements à adopter pour respecter l’environnement (recyclage des déchets, diminution des émanations de carbone…). Des entreprises distribuent des dépliants sur les règles d’hygiène et offrent des balais à la population. Le mur Facebook de « My Clean India » se couvre de photos « avant-après » de citoyens qui ont nettoyé une partie de leur quartier. Un concours de vidéo a même été organisé par le gouvernement, avec des prix en milliers de roupies pour les gagnants.
Narendra Modi est le premier chef de gouvernement indien à s'engager aussi visiblement dans cette cause. Il faut dire qu’à la différence de beaucoup de politiciens, il vient d’une famille pauvre qui n’avait pas de toilettes à la maison.
Impossible ?
Le but de cette campagne est de rendre l’Inde totalement immaculée d’ici le 2 octobre 2019, le jour du 150ème anniversaire de Gandhi, une façon de lui rendre hommage.
Certains restent pourtant sceptiques. Comme dans la lutte pour le respect des femmes, il y a encore un long chemin à faire avant de changer les mentalités et d’éduquer l’ensemble de la population. Il ne suffit pas de balayer sa rue une fois pour être définitivement débarrassé du problème. Comme le dit très justement le blogger Prasanth Aby Thomas « Ce dont on a besoin d’abord, ce n’est pas de nettoyer un lieu mais de nettoyer notre comportement ». Il explique par exemple que la pénurie de toilettes en Inde n’est pas seulement due au manque de moyens mais aussi au fait que beaucoup de gens ne voient pas leur utilité. Le fondateur de Naandi Foundation, Anand Mahindra, qui installe des centrales pour obtenir de l’eau potable, déplore que de nombreux villageois ne comprennent pas que l’on doive purifier son eau alors que leurs ancêtres la buvaient directement du puits.
C'est un bouleversement culturel que l’Inde s'apprête à vivre : des textes hindous disent en effet qu'il est impur de faire ses besoins près des maisons. Il sera donc difficile de changer 5.000 ans de traditions en un mandat politique.
En outre, que faire de ces détritus ramassés avec tant de d’enthousiasme patriotique? Comment ensuite les gérer, les détruire, les recycler ? Les infrastructures seront-elles suffisantes ?
L’enjeu est finalement de savoir comment faire fonctionner à l’échelle d’un milliard d’habitants, et d’un pays qui s’industrialise à une vitesse folle, ce qui fonctionne à l’échelle d’un village ou d’une province.